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Maghreb

 
 

Le racisme au maghreb
 
 
http://www.aulaintercultural.org/article.php3?id_article=1818 
 
Il transforme le quotidien de ceux qui en sont victimes en enfer. Mais c’est  
 
un racisme qui ne réclame d’aucune idéologie, d’aucune vision du monde, si  
 
abjecte soit-elle. C’est un racisme sans militants. Il ne se trouve personne  
 
pour le revendiquer et encore moins pour l’expliquer. Pourtant, chaque  
 
Maghrébin y a un jour cédé, même sans le vouloir, tellement il imprègne le  
 
langage, en se glissant derrière les dictons de grand-mère et les mots les  
 
plus ordinaires du dialecte. 
 
Denis, appelons-le ainsi, il préfère ne pas voir son nom cité, est un  
 
étudiant originaire d’un pays d’Afrique centrale, arrivé il y a quelques mois  
 
en Tunisie. Il raconte : “Moi et mes congénères vivons l’humiliation et  
 
l’offense dès que nous sortons dans la rue. On se fait traiter de Kahlouch  
 
(”nègre”), d’oussif (“esclave”) ou de Kird ( “singe”), comme ça,  
 
gratuitement. On voit les gens faire des grimaces à notre passage, se boucher  
 
le nez ou rire bruyamment. Je ne suis pas étonné de rencontrer des gens  
 
racistes, il y en a dans toutes les sociétés. Ce qui m’étonne plus, c’est la  
 
passivité de la “majorité silencieuse”. L’absence de réactions des gens dans  
 
le bus ou dans le métro, quand on se fait insulter par des enfants. Les  
 
parents ne semblent éprouver aucune gêne quand ils voient leur progéniture  
 
nous balancer des noms d’oiseaux. Au contraire, ils en rigolent. Pareil  
 
comportement serait impensable dans nos sociétés africaines. Cela me déçoit  
 
profondément. Cela ne correspond pas à l’idée que je me faisais du Maghreb. » 
 
Des témoignages comme celui-ci, on pourrait les multiplier à l’infini. Les  
 
Noirs, dans les pays du Maghreb, font en permanence l’objet de réactions  
 
instinctives et épidermiques, qui vont de la simple moquerie blessante à la  
 
franche hostilité, et qui ont pour dénominateur commun le mépris. “Les  
 
Tunisiens (c’est vrai aussi des Algériens ou des Marocains, NDLR) sont  
 
bourrés de préjugés, explique Moïse, un étudiant mozambicain qui vit à Tunis  
 
depuis trois ans. A part le football, ils ne connaissent rien à l’Afrique  
 
noire, et ça ne les intéresse pas vraiment. Pour eux, l’Afrique car ils n’ont  
 
pas le sentiment d’y appartenir, c’est la famine, la guerre, la maladie ou  
 
les animaux sauvages... Ils disent qu’ils sont ouverts, mais en réalité ils  
 
ne sont ouverts que sur l’Europe, et encore, seulement par le biais de la  
 
télévision. Le racisme touche toutes les couches de la société, pas seulement  
 
les classes populaires ou déshéritées. Les seules personnes qui auront  
 
spontanément un comportement acceptable avec nous, ce sont les Maghrébins qui  
 
ont voyagé, qui ont vécu à l’étranger. Ils sont plus ouverts sur le monde,  
 
plus curieux de ce qui s’y passe, plus enclins à remettre en cause les  
 
préjugés de leur éducation.” 
 
Car le Noir, dans l’imaginaire collectif, renvoie toujours confusément à  
 
l’intérieur, domestique ou esclave, à celui qui se trouve en bas de  
 
l’échelle, et avec qui on peut tout se permettre. Cette vision dévalorisante,  
 
les ressortissants des pays d’Afrique subsaharienne n’en souffrent que par  
 
ricochet. Car elle s’est formée au contact de ces esclaves, dont descendent  
 
la plupart des communautés noires autochtones du Maghreb. 
 
Les Noirs du Maghreb, des musulmans qui parlent arabe dialectal ou berbère,  
 
sont environ 50 000 en Tunisie, certainement plus en Algérie et plus encore  
 
au Maroc. Citoyens à part entière, ils éprouvent pourtant les pires  
 
difficultés à se mélanger avec les composantes arabes et berbères des pays où  
 
ils sont nés. Ils vivent entre eux et se marient entre eux. Quand ils se  
 
marient... 
 
Inès Mrad Dali, doctorante en anthropologie à l’Ecole des hautes études en  
 
sciences sociales (Paris), s’est penchée sur la question et a étudié le cas  
 
de quelques communautés du Sud tunisien. Elle est arrivée à des conclusions  
 
surprenantes et inquiétantes. 
 
Il y a vingt ans, les alliances entre hommes noirs et femmes blanches étaient  
 
presque inexistantes, mais des mariages pouvaient être contractés dans  
 
l’autre sens, entre femmes noires et hommes blancs : “Les pratiques  
 
matrimoniales ont beaucoup évolué en une génération. Aujourd’hui, quand ils  
 
le peuvent, c’est-à-dire quand ils ont un emploi stable et un minimum  
 
d’argent, la plupart des hommes noirs épousent des femmes blanches. Epouser  
 
une Blanche est à la fois un gage de réussite sociale et un moyen de garantir  
 
un meilleur avenir à ses enfants, qui souffriront moins de la stigmatisation.  
 
En revanche, les femmes noires éduquées, celles qui sont parvenues, elles  
 
aussi, à un certain niveau social, comme par exemple les infirmières ou les  
 
secrétaires médicales, éprouvent les pires difficultés à se marier. Elles  
 
sont désormais rejetées des deux côtés : par les hommes blancs, ou plutôt par  
 
les mères blanches, sans le consentement desquelles en Tunisie, et maintenant  
 
par les hommes de leur communauté et de même niveau qu’elles, qui leur  
 
préfèrent les Blanches.” 
 
Beaucoup se retrouvent donc contraintes au célibat, ce qui revient, au  
 
Maghreb, à une certaine forme de mort sociale... 
 
Extrait de JA-15-28 Août 2004 / 29 juin 2006. 
 
Afribone.com 
 
 
 
30 juin 2006  
 
 
 
 
 
Répondre à cet article 
 
 
Forum 
> Le racisme au maghreb (ripostes) 
26 août 2006, par GuenS  
Je viens de lire un prétendu article dénonçant un soit disant racisme à  
 
outrance et spécifiquement anti-noir, au Maghreb. 
 
Des textes comme ça c’est absolument choquant. Parfois je me demande s’il  
 
n’est pas moins dangereux une totale ignorance plutôt que des connaissances  
 
limitées qu’on diffuse pour bourrer des crânes aux risque que ça ne devienne  
 
une idée reçue complètement admise (en l’occurrence le contenue de l’article  
 
en question). 
 
Avant de me lancer, je tiens à préciser que je ne suis un Mr et Mme tout le  
 
monde. Je ne suis ni journaliste ni quelqu’un qui soit plutôt dans le  
 
littéraire, le journalisme ou l’histoire (au contraire je suis à l’opposé :  
 
dans le technique). Je précise cela afin de contextualiser le contenu et  
 
parer par avance une partie des prochaines réactions. 
 
Bon, à vrai dire, là je n’ai pas le temps de répondre dans les détails, je  
 
donnerai pour le moins des bribes d’informations susceptibles de mettre au  
 
clair rapidement une partie au moins du contenu erroné de cet article. Je  
 
présume que la paranoïa de l’étranger y est pour beaucoup dans cette mauvaise  
 
perception (en l’occurrence les témoignages d’étudiants africains au Maghreb)  
 
; l’exagération subjective des personnes ayant rédigé de pareils articles  
 
n’est que le reflet de la non relativisation prouvant un réel objectif  
 
d’amplification en propos incendiaires (digne d’un non professionnalisme). 
 
Pour commencer, « kahlouch » est le mot dialectal qui signifie « noir ». Ce  
 
n’est pas dû tout péjoratif ; je dirais même c’est mignon car s’est une  
 
déformation sympathique de l’adjectif (couleur) noir (« k’hal » ou « ak’hal  
 
»). C’est plutôt le terme « Nigrou » (de « negro ») qui est signifie  
 
dialectalement et au sens propre « nègre » ; cependant, il est utilisé  
 
couramment pour désigner par amplification quelqu’un qui peut être brun (au  
 
sens figuré, que ce soit par abus de langage ou par moquerie sympathique - la  
 
réelle signification originale s’étant perdue, le poids de ce mot ne veut  
 
plus rien dire). 
 
Certes, parfois, des enfants ou certains adolescents voire de jeunes adultes  
 
(souvent aux endroits « populeux ») peuvent tenir des propos racistes (perçue  
 
sûrement de manière plus forte que l’intention réelle qui est souvent de la  
 
distraction). Mais cela reste très restreint et ce n’est pas à généraliser ;  
 
au contraire ça reste à relativiser. Pourquoi à relativiser ? Et bien tout  
 
simplement parce que si on observe ces mêmes personnes qui balancent  
 
n’importe quoi de leurs bouches, on remarquera qu’il le font avec la moitié  
 
des passants : c’est le genre de personnes qui s’ennuient et qui, pour passer  
 
le temps, peuvent aussi bien se foutre de la gueule d’une personne qui a un  
 
gros nez, d’un garçon qui a des cheveux long, ou d’une personne qui a un  
 
style vestimentaire atypique, .... Enfin bref, tout ce qui sort de la norme  
 
de leur petit cercle de quartier (y compris le fais de voir un étranger, dont  
 
un noir). 
 
Concernant les Noirs Maghrébins, l’image que vous avez doit dater d’au moins  
 
a un demi siècle pour le Maghreb en général et peut être d’au moins une  
 
trentaines années pour certaines régions du Maghreb. Il n’y a aucune  
 
distinctions mais alors pas dû tout. Cette idée même ne traverse jamais  
 
l’esprit des gens (du moins de là où je viens : Alger - Algérie ; mais je  
 
suis sûr que c’est aussi le cas ailleurs de ce qu’on ma dit). De plus, quand  
 
je parle de Noirs Maghrébins, il faut éclaircir les choses. Le concept de  
 
Noir est plus précis qu’en Europe. Il s’agit des vrais noirs -  
 
majoritairement des descendant d’immigrés ou encore d’esclaves d’il y a  
 
plusieurs siècles ... plusieurs siècle, et forcément que ça ne veut plus rien  
 
dire aujourd’hui. On distingue aussi les arabes du sud et les berbères du sud  
 
(touareg) qui sont par définition métisses (depuis des siècles pour les uns  
 
et des millénaires pour les autres). Pour tout ce dégradé de couleurs, du  
 
complètement noir au blond aux yeux bleus, il n’y a point de ségrégation ni  
 
dans le travail ni dans autre chose. Coté mariage, la culture traditionnelle  
 
arabo-berbère en général fait que les mariages sont souvent régionaux  
 
(quoique ça a beaucoup diminué dans les grandes villes et ça tend de plus en  
 
plus à disparaître). Implicitement, les gens originaires de telle ou telle  
 
ville ou village se marient plus entre eux. En particulier, c’est le cas de  
 
ceux des villes du sud où il y a plus de foncés, de métisses ou de noirs.  
 
Maintenant si on a cette paranoïa et ce complexe d’être noir, on aura  
 
tendance à percevoir la réalité autrement et d’interpréter ça comme du  
 
racisme. Ça promet ! Avec cet état d’esprit on n’est pas sorti de l’auberge.  
 
Une chose est sure, les Maghrébins de couleur noire n’ont point cette  
 
paranoïa chez eux. 
 
Je vous donne un exemple, à l’école d’ingénieur d’où je viens (l’Ecole  
 
Polytechnique d’Alger en l’occurrence) il y a chaque année, plusieurs noirs  
 
africains (plus d’une dizaine) qui y sont admis (encore une fois il ne nous  
 
passe même pas par l’esprit de parler des noirs algériens car la questions ne  
 
se pose pas) ; à la grande université des sciences et technologies Houari  
 
Boumediene (Bab Ezzouar, Alger) il faut compter en centaines. Bien entendu,  
 
il y a des spécialités qui attirent plus que d’autre en fonction des  
 
perspectives du marché du travail africain ainsi que des opportunités  
 
développement dans certains secteurs (à l’instar de la spécialité Hydraulique  
 
ou encore la spécialité généraliste du Génie Industriel). Les étudiants noirs  
 
étrangers sont bien accueillis (au même niveau que les locaux). Ils ont accès  
 
aux mêmes droits que les étudiants nationaux : chambre universitaire,  
 
restauration, transport, service de santé publique, ... le tout à prix plus  
 
que symbolique). Certains sont même boursiers de l’Etat Algérien. A l’école,  
 
il n’y a ni plus ni moins de sympathie avec eux qu’avec les autres. Par  
 
ailleurs, les aspects individuels propres, les goûts personnels, le style de  
 
vie... sont les principales variables d’affinité entre personnes. Il se  
 
trouve qu’au final (c’est un problème partout dans le monde) on remarque le  
 
plus souvent le phénomène social du « qui se ressemble s’assemblent »  
 
(ressemblance dans le style, la mentalité, voire parfois l’accent  
 
malheureusement ... mais assurément pas le physique ou la race). Du coup une  
 
partie des gens des villes de l’intérieur du pays peuvent avoir l’impression  
 
qu’ils sont snobés par les autres ; de même un étranger aura cette même  
 
impression qui sera forcément perçue comme un racisme. Cela est d’autant plus  
 
vrai lorsqu’on sait que les premier temps, on ne connais pas assez bien les  
 
habitudes sociales et les particularités locales de communication et d’humour  
 
dans toute leurs facettes. Ceci va alors accentuer ce phénomène, cette  
 
perception erronée ou exagérée qui pour certain s’appellera de la paranoïa  
 
sociale ou raciale. 
 
Au-delà des étudiant, il y a aussi les émigrants. Il faut dire qu’une grande  
 
partie d’entre eux (que j’appellerais plus migrants) le sont de manière  
 
temporaire pour joindre l’Europe. Ils habitent le plus souvent des quartiers  
 
populeux défavorisé, des hôtels de fortune,... Bien entendu il y a alors une  
 
réunion de facteurs propice à une certaine xénophobie restreinte (ne  
 
l’oublions pas, aimer ou ne pas aimer, et avoir une attitude de réserve  
 
vis-à-vis de l’étranger est un droit tant qu’il ne passe pas à autre chose) :  
 
d’une part le travail au noir et les activités pas très catholiques de ces  
 
immigrants de passage, d’autre l’environnement difficile de ces quartiers  
 
souvent défavorisés. La mésentente peut alors avoir lieux, ce qui peuvent en  
 
profiter ce sont souvent les mêmes personnes sans scrupule : par exemple les  
 
propriétaires des hôtels délabré (mais qui n’habitent assurément pas le  
 
quartier), pouvant augmenter leurs tarifs sans changer le service connaissant  
 
la dépendances des autres. 
 
Vous voyez. Tous cela ne va pas plus loin que ça. Cela s’arête à des  
 
considérations individuelles, comportementales, de caractère, .... Et c’est  
 
bien loin du racisme extrême décrit dans ces articles. Ensuite, il y en aura  
 
bien entendu qui concluront précipitamment en adoptant une attitude raciste  
 
que ce soit pour les locaux ou pour les étrangers. 
 
Un autre détail, le climat plus ou moins raciste ou régionaliste - à  
 
relativiser je le rappelle - varie d’un endroit à l’autre et d’une catégorie  
 
à l’autre. Il semble cependant que durant les années Bourguiba en Tunisie, il  
 
n’y a pas eu d’évolution par rapport à la relation aux noirs (contrairement à  
 
d’autres évolutions). Certains disent que c’est parce que ce dernier devait  
 
être raciste. Par conséquence, le racisme relatif aux noirs en Tunisie a  
 
quelques traces un peu plus tenaces que dans le reste du Maghreb. 
 
Bon, là je sature et je n’en peut plus de taper sans pouvoir structurer le  
 
tout ; de toute façon je vous l’avais dit : je ne vais que débiter des bribes  
 
constructives (à la pelle). 
 
Pour clore mes propos, je tiens à dire que, voilà, le monde n’est pas parfait  
 
; toutefois les habitudes culturelles (de communication en l’occurrence) sont  
 
différentes d’une région à une autre. Donc ce n’est pas parce que les  
 
Maghrébins sont plus expressifs que cela doit accentuer la paranoïa raciste  
 
et la peur de l’inconnu de certains africains. J’aimerais bien vous entendre  
 
parler des européen beaucoup plus discrets donc sournoisement plus racistes,  
 
et que vous ne critiquez pas, ou peu (c’est incontestablement pas aussi  
 
virulent à leur égard en tout cas). Ce qui me désole le plus c’est de lire de  
 
tels propos exagérés, subjectifs, manipulateurs, non professionnels et  
 
dangereux qui attaquent les Maghrébins alors même que ces pays (à leur tête  
 
l’Algérie) offrent des bourses pour vos étudiants, ont contribué à  
 
l’indépendance de plusieurs de vos états, et ont été et sont partenaires de  
 
plusieurs projets de développement en Afrique subsaharienne. 
 
En tout état de cause, j’espère qu’il y a des personnes assez raisonnables  
 
pour tempérer les propos des articles en questions (je reste pessimiste sur  
 
le fait que vous les condamniez). Mais de toute manière, si vous en restez  
 
encore à cette nature de discussion et à ce niveau, mes vieux c’est mal barré  
 
pour vous. Bon courage à tous. L’espoir fait vivre. .... Attention, je vous  
 
ai vu !!!! C’est encore cette paranoïa dont je parlait qui refait surface !!!  
 
Ben ça, c’est un exemple d’humour pouvant être terriblement mal interprété. 
 
Bon vent. 
 
MS GuénaXXX guens123@hotmail.com 
 
Répondre à ce message 
 
Etre noire en Tunisie
 
 
J.A.I., 11 juillet 2004 
 
Après le récit d’un Subsaharien résidant au Maroc, voici la deuxième partie de notre débat sur les relations interraciales au Maghreb. Cette semaine, J.A.I. ouvre ses colonnes à Affet Mosbah, une Tunisienne noire. Un témoignage sans concession sur un sujet jusqu’ici tabou.  
 
A la fin des années 1980, en France, plusieurs crimes racistes viennent d’être commis, dont les victimes sont majoritairement maghrébines. Je suis de toutes les manifestations pour dénoncer l’insoutenable. J’y côtoie de nombreux compatriotes tunisiens, connus et inconnus. En apparence, tout nous rassemble, mais je ne peux cacher ma perplexité : ces visages à juste titre indignés sont les mêmes qui, dans les rues de Tunis, grimacent au passage d’un Noir : « Ya Kahlouch ! » (« nègre », « noiraud »). Ce qui est intolérable d’un côté de la Méditerranée serait-il, de l’autre, parfaitement normal, naturel ? Née dans l’antique Ifriqiyah, à la pointe septentrionale de l’Afrique, je suis tout à la fois femme, noire, tunisienne, arabe et musulmane. Une identité composite dans laquelle certains croient voir une « richesse ». Ce que la réalité ne confirme pas vraiment. Mon pays a aboli l’esclavage en 1846, avant la France, et a donné aux femmes, il y a un demi-siècle, ce qui leur était dû : l’égalité. Deux réformes sociales et institutionnelles d’une portée et d’une modernité stupéfiantes. Aujourd’hui, si les Tunisiens s’enorgueillissent volontiers de la liberté dont jouissent les femmes dans leur pays, il est rare qu’ils évoquent l’abolition de l’esclavage. Pourquoi ? 
 
« La question noire est un problème de Blancs », disait naguère Jean-Paul Sartre. En Tunisie, les Noirs ne sont ni un problème ni un tabou. Tout au plus une minorité discrète. Une sous-catégorie sociale, qui, face aux insultes, dissimule sa révolte comme on cache un scandale, dans le silence et dans la honte. Une anecdote révélatrice. Un soir, à l’issue de ma prestation dans un ballet classique au Théâtre de la ville de Tunis, un ami me susurre, rigolard : « Tu es la tache noire du ballet blanc ! » Un autre, brillant intellectuel, n’imagine simplement pas qu’une Noire puisse être danseuse classique : « Comment est-ce possible », maugrée-t-il devant ses filles - qui se trouvent être mes amies... 
 
Les Blancs sont évidemment très minoritaires sur le continent africain. Pourtant, lorsque les Tunisiens parlent d’un Ivoirien ou d’un Malien, ils le désignent comme « africain ». Ne sommes-nous pas nous-mêmes des Africains ? Quel est le sens caché de cette auto-exclusion par le verbe ? 
 
Dans mon pays, le racisme n’est pas institutionnel : jamais vous ne verrez un député exprimer des thèses xénophobes à la tribune de l’Assemblée nationale. Il est avant tout social. Il s’éructe dans les rues, s’abrite derrière les persiennes, se trahit par des attitudes ou des regards... C’est un crachat permanent et camouflé. Qui peut en témoigner sinon les Noirs eux-mêmes ? Mais la plupart se taisent, comme s’ils craignaient de passer pour des esprits étriqués, pour des complexés, voire des paranoïaques. Alors quand une Noire est finement surnommée « Blanche-Neige », elle se contente de sourire... N’est-ce pas de « l’humour » ? 
 
Ici, un Noir est un « oussif » (« serviteur », « esclave » et, par extension, « noir » ). Sur leur passage, mes congénères entendent régulièrement des commentaires du genre « Congo » ou « Sénégal ». Comme si on ne pouvait être à la fois noir et tunisien ! Les insultes redoublent quand la « victime » a l’infortune d’être une femme. L’atmosphère des rues de Tunis est à ce point empuantie par les propos graveleux qu’on y entend en permanence qu’il est préférable de sortir accompagnée d’un homme. Un paradoxe dans ce pays qui, dès 1956, a affranchi les femmes en promulguant le Code du statut personnel ! 
 
Naturellement, les auteurs de ces propos fétides nieront farouchement les avoir tenus ! Même des amis, sincères mais aveugles, trouveront que, quand même, vous avez tendance à voir le mal partout... Mais interrogez les Noirs qui vivent ici, les étudiants subsahariens, par exemple : tous vous raconteront des expériences semblables. Chez nous, le racisme est ordinaire, inodore et souterrain. Il faut y être confronté pour en prendre conscience. Ce n’est pas un racisme violent, il ne tue pas. Il est un doigt pointé sur l’autre, quotidiennement. Un secret de famille. Mortel, tout compte fait. 
 
Mon enfance fut un affrontement quotidien. Que faire quand un gosse est caillassé uniquement parce qu’il est noir ? Rien, sinon baisser la tête et avancer bien vite vers l’école en espérant que les « petits voyous » trouveront une autre cible, n’importe laquelle, un arbre, un chien, un bossu ou un fou... Dans mon quartier, un fou, justement, m’a souvent sauvé la mise. Je n’ai pas oublié son regard étrange lorsqu’il arrivait que nous nous retrouvions face à face. Était-il surpris, lui aussi, de découvrir « la tache noire du ballet blanc » ? Je ne le saurai jamais. 
 
Longtemps, j’ai eu peur de la rue. Longtemps, j’ai espéré vivre un jour sans insultes ni agressions verbales, loin de ces regards insistants. J’en ai conservé une démarche constamment pressée. Et un goût pour les vêtements sombres. Si je déteste la couleur rouge, c’est sans doute qu’en rouge un Noir est doublement visible. Une peau sombre est un costume suffisamment lourd à porter... 
 
À l’adolescence, les choses ont un peu changé. Les enfants du voisinage s’étaient habitués à nous voir. Nous faisions partie du paysage, ils n’étaient plus agressifs. Nous vivions donc en bonne intelligence, sans être dupes. Les insultes sont désormais d’un autre type. Quand, par inadvertance, le mot « oussif » est lâché, le fautif, aussitôt, bafouille, s’excuse presque. Il voudrait reprendre une expression qu’il n’utilise d’ordinaire qu’avec des interlocuteurs blancs. Les lapsus de ce type sont légion. « Ta mère est très belle, me dit un jour une dame hébergée par mes parents, on dirait une Blanche. » « Blanche » se dit aussi « horra », qui signifie « libre », par opposition à « esclave ». Décidément, les institutions évoluent plus vite que les mentalités. L’esclavage est aboli depuis longtemps, mais le langage trahit les pensées profondes, pour ne pas dire l’état de développement d’une société. 
 
Paris, 2001. La deuxième Intifada bat son plein et les manifestations se succèdent pour dénoncer le « rapt du président Arafat » par un innommable chef de guerre et le racisme d’État dont sont victimes les Palestiniens. Au cours de l’une d’elles, je fais halte avec quelques amis tunisiens autour d’un café. Certains ont amené leurs enfants. Nous projetons de nous réunir pour les soirées électorales à venir et l’un de nous propose d’aller dîner chez « Ali l’Oussif » - Ali le Nègre. Je scrute les visages de mes compagnons : à l’exception d’une amie artiste, personne ne bronche. Je frappe du poing sur la table et demande si le patronyme du restaurateur en question est « Le Nègre ». Non, me répond-on, mais lui-même accepte qu’on l’appelle ainsi et en plaisante volontiers. Décidément le « syndrome Blanche-Neige » à la vie dure... J’insiste : quelle différence y a-t-il entre Ali tout court et Ali le Nègre ? Si celui-ci avait la peau claire, mes compagnons le surnommerait-ils « Ali le Blanc » ? Un homme est-il ce qu’il fait ou ce qu’il paraît ? Et de quel surnom m’affublent-ils donc en mon absence ? Je quitte la table. Les enfants présents continueront-ils, demain, à manifester en toute bonne conscience le même racisme larvé ? 
 
Le lendemain, je reçois un bouquet de fleurs couleur parme, accompagné d’une carte d’excuses. L’expéditeur est l’un de mes compagnons d’hier, qui semble me demander pardon pour tous les autres. Apparemment, il est le seul à avoir compris qu’« Ali l’Oussif » et moi, à l’instar de tous les Noirs tunisiens, nous sentons, d’une certaine manière, étrangers dans notre propre pays. Et dans le coeur des nôtres. 
 
Mon pays est multiple. C’est un pays en marche, ouvert, une terre de paradoxes. Il m’accorde le droit de porter plainte pour racisme, mais pas la possibilité de prouver mes accusations. Nous sommes égaux devant la loi, mais discrètement tenus à l’écart socialement, sans qu’aucun Blanc ne s’en aperçoive. 
 
On pourrait multiplier les exemples de discrimination ou d’ostracisme insidieux. Un membre de ma famille travaille pour la compagnie nationale d’aviation : il est chef de cabine. Comme il s’exprime dans une langue châtiée, c’est lui qui a été chargé d’enregistrer le message d’accueil des passagers. Me trouvant un jour à bord d’un appareil de la compagnie, j’ai entendu sa voix égrener les traditionnelles consignes de sécurité. Mais sur l’écran placé devant moi, c’est une fort jolie blonde qui les mimait. 
 
Je ne suis pas près d’oublier une sortie dominicale à el-Alia, entre Tunis et Bizerte. Ayant garé la voiture familiale, nous avons aussitôt été encerclés par un groupe d’autochtones, qui, le visage collé à la vitre, se sont mis à nous observer comme ils l’auraient fait d’animaux en cage. Ils riaient et grimaçaient : « Des Noirs dans une voiture, des Noirs dans une voiture ! » Terrible sentiment d’étouffement, de malaise. Oui, nous étions des êtres humains assis dans une voiture. La question noire est, en effet, un problème de Blancs. 
 
Le Sud tunisien est autrement atteint que le Nord, les Noirs y étant beaucoup plus nombreux. Ici, il y a les ahrars, les hommes libres, et les abids, les esclaves - termes utilisés sans complexe ni fausse pudeur. On se rend à des fêtes « chez les abids » ou « chez les ahrars ». Au-delà d’une apparente cohésion, le Sud est profondément clivé, mais les codes sociaux ne sont connus que des initiés. Il faut être originaire de la région pour en prendre conscience. Prenez cette gentille tradition d’émietter la viande des invités, lors d’un repas. Longtemps, cette corvée a incombé aux Noirs. Par la suite, pour démontrer que les mentalités avaient changé, les Blancs ont mis un point d’honneur à inverser les rôles. L’intention était bonne, sans doute, mais le seul fait qu’il soit besoin de la justifier prouve qu’il n’y a pas d’égalité. Les Noirs du Sud auraient tant à dire... Je me souviens d’une anecdote. Dans les années 1980, un couple rend visite à un malade et repart ulcéré. Pourquoi ? Parce que l’abid possédait un téléphone. Un privilège réservé aux ahrars ! 
 
Il n’existe pas de statistiques sur les niveaux de vie comparés des différentes communautés, mais force est de reconnaître que les Noirs sont pratiquement inexistants dans les banlieues chic de Sidi Bou Saïd ou de Carthage, sur les hauteurs de Tunis. On les retrouve dans les villes populaires du Kram ou de La Goulette. Peu d’essais sociologiques prennent la peine d’étudier cette composante de la population tunisienne. En fait, l’intérêt porté aux Noirs reste, pour l’essentiel, de l’ordre du folklore. 
 
En peinture, la représentation de l’homme noir est, somme toute, fidèle à la réalité. Il est montré comme il est dans la vie : musicien, serviteur lors d’une cérémonie de mariage, etc. Les Noirs sont des témoins de la vie sociale, très rarement des acteurs. Qui brossera le portrait d’un Noir tunisien posant dans son cabinet d’avocat ? Dans une oeuvre, d’ailleurs remarquable, intitulée La Tigresse, le peintre Bouâbana représente une femme noire - une amante ? - dont la sensualité explose littéralement sur la toile. Il n’y a pas de doute que le peintre respecte son sujet, mais quand même, je ne peux m’empêcher de penser que cette prétendue sexualité hors norme des Noirs est un insupportable cliché. Sommes nous donc des bêtes ? 
 
L’art, dans sa sincérité, dépeint et dénonce les tares cachées d’une société. On chercherait en vain une oeuvre picturale représentant un mariage entre des Tunisiens blancs et noirs ! Le phénomène n’est pas courant, mais il existe pourtant, surtout dans les milieux populaires. La bourgeoisie, elle, reste globalement hostile aux mélanges... « Nous sommes tous égaux », entend-on souvent claironner. D’ailleurs, c’est un précepte de l’islam ! Égaux en droit, certes, nous le sommes. Mais les coeurs et les épidermes sont-ils vraiment prêts à admettre qu’un Noir soit « un homme fait de tous les hommes, qui les vaut tous et que vaut n’importe qui » ? Même en Tunisie, à l’ombre des jasmins. 
 
Par Affet Mosbah 
 
Source : 
http://www.lintelligent.com/edito.asp ?art_cle=LIN11074etreneisinu0  
mercredi 21 juillet 2004, par Rédaction de reveiltunisien.org  
http://www.reveiltunisien.org/article.php3?id_article=1336 
 
 
L’immigration clandestine prend des proportions inquiétantes  
 
Une génération de sans-papiers est née en Algérie  
 
Par : Nabila Afroun  
 
L’Algérie est aujourd’hui considérée comme un pays d’exil pour des centaines, voire des milliers d’immigrants clandestins d’origine subsaharienne. Les autorités refusent de les reconnaître mais le problème risque de prendre des proportions importantes dans les prochaines années si aucune solution n’est préconisée.  
 
Il s’appelle Djumba, il est né à Tamanrasset il y a huit mois. Officiellement il n’existe pas, car il n’est inscrit dans aucun registre d’état civil. La seule preuve, c’est un certificat d’accouchement délivré par l’hôpital. “Nous avons fait des pieds et des mains pour avoir ce certificat de naissance. Pourtant, on est marié et nous avons même notre livret de famille”, témoigne Bouba.  
D’origine nigérienne, il affirme que les cliniques et les hôpitaux refusent de prendre en charge les femmes enceintes des immigrants. Avant l’hospitalisation, ils exigent le livret de famille et la carte de séjour ou un papier qui justifie leur présence sur le territoire algérien. “Ma femme était très malade, l’hôpital a refusé de la prendre en charge mais j’ai eu de la chance, c’est un bienfaiteur qui a intervenu pour qu’elle soit hospitalisée. Sans lui, elle serait morte. D’ailleurs, mon fils est né au septième mois”, confie-t-il. Selon notre interlocuteur, plusieurs femmes accouchent toutes seules dans des conditions terribles.  
Leurs enfants n’ont même pas de certificat de naissance ou quelque chose qui prouve qu’ils existent. Ce sont des sans-papiers au sens propre du mot. “L’administration algérienne refuse d’inscrire nos enfants car ce sont des ressortissants étrangers”, a-t-il encore indiqué. Un Ivoirien, qui a souhaité garder l’anonymat, nous dira que sa fille n’existe pas officiellement. Après avoir été refoulés du Maroc, lui et sa femme ont décidé d’entrer clandestinement en Algérie.  
Ils vivaient dans un bidonville à Maghnia parmi leurs compatriotes jusqu’au jour où il s’est fait arrêter. “Je suis sorti acheter quelque chose à manger pour ma femme. Il y a eu une décente au centre-ville et je me suis fait épingler pour le motif de présence irrégulière sur le territoire algérien. Je suis resté quelques jours en prison avant d’être relâché car j’étais demandeur d’asile. À mon retour, j’ai découvert que ma femme est morte suite à l’accouchement. Elle m’a laissé une petite fille qui n’existe qu’à mes yeux”.  
Actuellement, la petite fille a quatre ans, elle n’est toujours pas inscrite dans les registres de l’état civil car l’Algérie figure parmi les pays qui n’accordent pas le droit de sol aux enfants étrangers nés sur son territoire. “Durant ma carrière, je n’ai rencontré qu’un seul cas d’enfant non enregistré, c’était à Tamanrasset. Ce genre d’affaire ne relève pas de nos compétences, mais de la justice”, déclare Mohamed Naoui Sifi, commissaire principal de la police des frontières terrestres.  
À Dely Brahim, plus précisément à la carcasse de haouch Achaïbou, ils sont des dizaines d’enfants de demandeurs d’asile qui ont plus de six ans et qui ne sont toujours pas scolarisés.  
“Quand irons-nous à l’école ?” se demandent-ils chaque jour en voyant les autres enfants qui partent en classe. “Au mois d’avril prochain, mon fils aura sept ans”, s’indigne un père de famille. Son voisin nous dira qu’il apprend à lire et à écrire à sa fille dans l’espoir de la faire scolariser l’année prochaine. Alors que l’école est obligatoire pour tous les enfants — la convention internationale, en son article 22 relatif au statut des réfugiés, dont l’Algérie est signataire, préconise “le même traitement aux réfugiés en ce qui concerne l’enseignement primaire” —, les pouvoirs publics refusent de scolariser les enfants des demandeurs d’asile sous prétexte qu’ils n’ont ni résidence ni carte de séjour.  
“Parlez d’éducation est un rêve. Il a fallu l’intervention du UNHCR pour que nos enfants soient inscrits dans les registres de l’état civil”, réplique un autre père de famille. Selon, Peter van der Vaart, représentant du Haut Commissariat des Nations unies, des démarches sont entreprises pour que les enfants des demandeurs d’asile soient scolarisés.  
En attendant des solutions au problème des enfants des immigrants clandestins qui naissent et qui grandissent en Algérie, leur nombre qui demeure inconnu en raison du désintérêt des autorités officielles par rapport à cette question, risque de connaître des proportions importantes.  
 
N. A.  
 
IMMIGRATION CLANDESTINE  
 
Les marchands de rêves...  
 
Par : Nabila Afroun  
 
Ils sont des milliers à se jeter dans la gueule du loup pour changer de vie. Très peu réussissent.  
 
“Dis-leur qu'on arrive, dis-leur que tant d'autres nous suivent, dis-leur qu'on est plus qu'à quelques pas, qu'on est par milliers avec ou sans papiers, des marchands de rêves”, chante Corneille, seul survivant de sa famille lors du génocide du Rwanda en avril 1994.  
On les suit du regard, on les désigne du doigt, on les appelle souvent les clandestins, les sans-papiers ou les marchands de rêve. Pourtant, chacun d’eux a sa propre histoire, chacun a fui quelque chose : la guerre, un conflit, la persécution ou bien la misère. Ils ont quitté leur pays en quête d’une nouvelle vie, d’un nouveau rêve, mais ils se retrouvent tous dans la même galère aux postes-frontières. Là-bas la désillusion pousse à la fuite.  
Clément refuse de nous parler. “Pourquoi vous vous intéressez à nous ? Nous ne voulons pas de problèmes”, remarque-t-il. Nous avons tenté de nous présenter en déclinant notre profession. Même nos marques d’amitié n’ont rien pu faire. Nous n’avons eu que quelques bribes d’informations sur leur vie quotidienne. Ils vivent à Dely Brahim, à Chéraga ou à La Casbah. Clandestinement. Comme la plupart des sans-papiers africains. Ils racontent tous la même histoire. Ils ont quitté leur pays, il y a trois ans, une année, quelques mois, ou seulement depuis quelques jours, fuyant les guerres ethniques ou la misère sociale. L’espoir d’une vie meilleure et quelques billets économisés en serrant la ceinture sont leur seul passeport pour franchir un nouveau pas. Ils réussissent à s’infiltrer à travers nos frontières du Sud puis remontent la transsaharienne de Tamanrasset à Ghardaïa pour arriver enfin à Maghnia ou Alger. Il faut savoir que les immigrants clandestins que l'on rencontre dans la capitale ne sont pas candidats à l’exode européen. À Dely Brahim, nous les avons rencontrés. Ils revendiquent l'intégration, espèrent établir des papiers en règle et faire leur vie ici, et même se marier. Pourquoi pas ? Très peu parmi eux évoquent la piste marocaine. “Nous n’avons aucune chance de partir d’Alger car le seul moyen c’est par le port et c’est impossible. Alger est une destination pour se faire du blé et des contacts avec des passeurs qui organisent le départ jusqu'à Sebta”, témoigne Moussa, rencontré au bois des Cars. Ingénieur de formation, d’origine camerounaise, il a refusé de donner son identité. Moussa n'est qu'un prénom d'emprunt qu'il a choisi pour “personnaliser” le témoignage de notre article. Il poursuit son récit en disant qu’il travaille dur pour ramasser suffisamment d’argent et faire passer sa femme et son fils âgé de trois mois né à Tamanrasset. “Ma femme était enceinte, donc j’était obligé de rester trois mois à Tamanrasset jusqu'à la naissance de mon fils.” Tout comme les autres clandestins, il sait très bien que la traversée ne sera pas facile avec une famille à charge, surtout dans le royaume chérifien, il décide quand même de se jeter à l’eau en sachant que très peu arrivent à l’Eldorado. “Je prendrai le temps qu’il faut pour organiser notre périple. Si j’ai la chance de gagner suffisamment d’argent, je pourrai payer un accompagnateur pour plus de sécurité pour ma famille, et si la chance se détourne de moi, je me plierai au destin. Mais je ne pourrai rebrousser chemin”. En attendant son départ, Moussa travaille comme électricien sur des chantiers. Chaque matin, il attend au bois des Cars qu’on lui propose un boulot. “Je peux tout faire même le sale boulot, de l’électricité au ménage. Je gagne environ 300 DA. Bien évidemment cela dépend de l’employeur mais le plus souvent on se fait exploiter”. Il avouera également qu’il a travaillé pendant trois mois dans une maison comme plombier, jardinier et homme de ménage. Il a été convenu au départ que le propriétaire lui verse un salaire de 4 000 DA par mois, pour des journées de 9h à 17h. “Je n’ai jamais été payé. Chaque mois, mon employeur me disait que je recevrai mon solde en rappel mais je n’ai jamais touché un centime. J’ai tenté d’insister pour obtenir mon argent, mais il m’a menacé de me dénoncer à la police.”  
Moussa n’est qu’un parmi d’autres Africains qui arrivent chaque jour, la tête chargée de rêves, mais déchantent facilement car le parcours est difficile et l’avenir incertain.  
Enfin, le parcours des clandestins se résume en quelques lignes. Ils arrivent d'un pays subsaharien, s'installent dans un premier temps à Tamanrasset, se dirigent vers les frontières algéro-marocaines, restent quelques jours à Maghnia puis tentent leur chance pour le Maroc. La plupart seront arrêtés puis refoulés.  
Ceux qui arrivent à Alger espèrent s’établir et régulariser leurs papiers, mais eux aussi sont confrontés à la même galère ; vérification de papiers, emprisonnement puis reconduction aux frontières. Certains tenteront le coup plusieurs fois avant de baisser les bras.  
 
Alger, terre d’exil  
 
“Pourquoi les Européens ont le droit de circuler librement dans tous les pays de l’Union et nous, les Africains, nous sommes incapables d’instaurer un système équivalent ?” se désole Schoubèrh, un nom qui veut dire rieur en dialecte africain. Un rire qui s’est effacé de son visage depuis qu’il a quitté son pays pour se retrouver parmi de nombreux autres Africains adossé à un mur à attendre que quelqu'un les engage comme manœuvre. “Je refuse qu’on nous appelle les immigrants clandestins. Pour moi, cette appellation signifie une seule chose : le refus de l’intégration et la peur de l’étranger”, renchérit-il.  
Schoubèrh, Assimbo, Léa, Djabraïl, Mosako… et tant d’autres sont des personnes qui ne rêvent pas de l’Europe. Leur seul souhait c’est se faire accepter par les Algériens et s’intégrer dans la société. Djabraïl, musulman d’origine malienne, est arrivé en Algérie il y a deux mois. Il travaille comme homme à tout faire dans une famille à La Casbah. “Non, je ne rêve pas de l’Europe, j’ai choisi l’Algérie pour m’établir”, affirme-t-il.  
Mosako est l’un des 94 Congolais demandeurs d’asile rencontrés à Dely Brahim. Il est arrivé en Algérie, il y a deux ans, mais il n’a pas encore obtenu son statut de réfugié. Il nous tend un certificat de demande d’asile établi par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR). “Je suis en règle, je ne suis pas un clandestin”, justifie-t-il. Il est écrit sur sa demande que le statut de réfugié est en cours d’examen par le bureau du Haut-Commissariat des réfugiés. “En tant que demandeur d’asile, il relève de la compétence de l’UNHCR. Il doit être, notamment protégé contre tout retour forcé vers son pays d’origine tant que ne sera pas définitivement tranchée sa demande de statut de réfugié”.  
Mais à Alger, les immigrants clandestins arrivent quand même à trouver un logis et un petit boulot, histoire de survivre… mais pour combien de temps encore ?  
 
N. A.  
 
L’eau sera plus rare  
 
L’Algérie va s’alimenter du fleuve Congo 
 
Le directeur de l’Agence nationale pour les changements climatiques (ANCC), M. Mustapha Kara, a souligné hier à Alger que les ressources en eau en Algérie «atteindront leurs limites à l’horizon 2020-2025». Dans un entretien à l’APS, en marge de la conférence internationale sur la lutte contre la désertification, M. Kara, a expliqué que «si des mesures ne sont pas prises dans l’immédiat, l’Algérie verra la mobilisation de ses sources en eau se tarir, notamment dans les Hauts-Plateaux et les steppes». Le directeur, qui est également consultant auprès du ministre de l’Environnement en matière du changement climatique, a indiqué que «la crise du climat va aggraver la dégradation des ressources naturelles dans les Hauts-Plateaux et toutes les régions steppiques» qui constituent «de véritables potentiels agricoles» et qui doivent, selon lui, «assurer la sécurité alimentaire». Il a expliqué qu’en raison de sa situation dans une zone de transition entre les régimes tempérés et subtropicaux, l’Algérie «présente une grande sensibilité au climat, notamment dans les Hauts-Plateaux et la steppe qui couvrent environ 60es terres viables du Nord». Ces terres constituent «de véritables potentiels agricoles» et doivent «assurer la sécurité alimentaire du pays ainsi que la protection de la frange côtière». 
 
Pour cet expert, «l’impératif stratégique commande, dès à présent, de trouver des solutions alternatives et audacieuses pour faire face à ce défi majeur et menaçant».  
 
Dans ce contexte, les mesures prises prévoient un accroissement de l’aridité des zones steppiques, une augmentation de température allant jusqu’à 2 degrés et une baisse de précipitations de 10 à 15a expliqué M. Kara. Il a fait part également des propositions disponibles jusqu’ici qui comprennent des aménagements des chotts, un reboisement massif et la définition de nouveaux critères architecturaux. M. Kara s’est étalé pour expliquer deux projets qui concernent la création d’un canal fluvial transafricain et d’une centrale solaire (tour) qui devraient, selon lui, «devenir urgents et prioritaires» pour les gouvernements en Afrique. L’alimentation du canal de 6es eaux du fleuve Congo suffirait aux besoins du projet, le fleuve ayant un débit supérieur à celui du Nil  
 
(3 500 m3/s). Il transportera pas moins de 100 milliards de m3 d’eau douce par an et couvrira ainsi complètement les besoins actuels et à venir des populations en reliant, en tant que voie navigable, le fleuve Congo à la région du bassin Melghir en Algérie (El-Oued et Biskra) et permettra de restaurer le lac antique d’une superficie de  
 
7 000 km2. «Ce projet permettra une irrigation à grande échelle et un reboisement massif et contribuera à rétablir un équilibre climatique, hydrologique et écologique de ces régions de même qu’il jouera un rôle important dans la lutte contre la désertification», selon M. Kara. Il a expliqué que ce projet est «complémentaire d’un autre projet qui est déjà en cours, celui du barrage du grand INGA, sur le fleuve Congo qui couvrira les besoins électriques de toute l’Afrique». 
 
Redouane A. 
LE JOUR D'ALGERIE 
20.12.2006 
 
Les algériens seraient-ils racistes ?  
 
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C'est sous le titre "Les algériens seraient-ils racistes ?" que Liberté nous propose son reportage sur le racisme que subissent les africains installés en Algérie. Une phénomène que nous devons combattre en misant sur l'éducation aux valeurs de tolérance et de civisme. 
 
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immigration clandestine - Les algériens seraient-ils racistes ? 
 
“Je n’aurai jamais cru que les Africains étaient racistes entre eux.” Racisme. Le mot est fort et choquant. Pourtant, les Africains se comportent comme tel.  
 
“Et toi ! Le Noir ! Nigro ! Yal’kahlouche !” Ce sont les termes utilisés par les Algériens pour s’adresser aux Africains. Comme s’ils n’étaient pas Africains eux-mêmes. Comme s’ils étaient supérieurs.  
 
Djabraïl a développé une forme d’autisme. Tellement il a entendu des expressions à la limite du racisme. Face à cette situation, il ne veut plus rien entendre des Algériens. Djabraïl vit à La Casbah avec ses compatriotes maliens. Ils payent 100 DA la nuitée dans une maison vétuste, alors qu’ils gagnent 150 DA par jour. “C’est le seul endroit où on est acceptés, la majorité des hôtels refusent de prendre le risque de nous héberger”, confie-t-il.  
 
Djabraïl est un peu surpris lorsque nous lui avons posé cette question : “Comment se conduisent les Algériens avec vous ?” Il esquisse un sourire moqueur : “Je ne parlerai pas de la méchanceté des adultes. Nous y sommes habitués. Ce qui m'effraie, c'est le comportement des enfants. Que d’insultes dans leur bouche ! On ne peut plus marcher seul dans la rue, on s’arrange pour circuler tout le temps en groupe. Trop de haine. Trop d'agression. Je suis tellement scandalisé que je ne réponds plus à leur remarque.” Son copain Abedou-Allah rougit quand nous lui avons demandé de nous répéter les injures qu’ils subissent au quotidien. “Ces insultes raisonnent encore dans mes tympans, mais il m’est difficile de redire ces horreurs surtout devant une femme. C’est inimaginable de voir des anges débiter un tel venin. Je blâme leurs parents qui les ont éduqués dans la haine et l’intolérance.” Notre présence devient ainsi une occasion pour ces clandestins de raconter leur vie ici en Algérie. Un groupe d'immigrants de divers pays nous entoure.  
 
Ces personnes nous racontent à tour de rôle l’inhospitalité algérienne à laquelle ils sont confrontés. “J’étais en train de marcher lorsqu’un policier m’a interpellé pour une simple vérification de papiers. Je lui ai montré mon certificat de demandeur d’asile, il l’a déchiré puis il me l’a jeté au visage avant de m’embarquer en me bousculant. Il a fallu faire appel à l’UNHCR, qui a dû engager une avocate pour me sortir de prison”, confie l’un d’eux. Un Sénégalais abonde dans le même sens : “Je suis passé l'autre soir dans une ruelle, il y avait dans un coin un groupe d'adolescents. J'ai dit salam alikoum. Personne n'a daigné me rendre mon salut et certains me l'ont rendu avec des pierres.” Bouba, un Nigérien, dit : “Dans le bus, les gens semblent mal à l'aise en notre présence. Quand on entre dans un magasin pour acheter quelque chose, un article de 40 DA grimpe à 50, c’est à n’y rien comprendre !” Il nous parle longuement de sa galère dans les hôtels. “On se permet de fouiller notre petit bagage à notre insu. Souvent, on nous vole.” Certains se retrouvent sans aucun sou. Leur argent est souvent volé durant la traversée. À Dély Ibrahim, à quelques encablures du centre universitaire, des manœuvres et des travailleurs algériens nous accostent. “Engagez-nous, ne faites pas confiance aux Africains. On fait un meilleur boulot”, déclare un maçon algérien.  
 
Il précise qu’avec l’arrivée des immigrants, le marché de la maçonnerie a baissé. “On gagnait jusqu'à 1 200 DA par jour. À cause de ces Africains, le marché de la main-d’œuvre est tombé de moitié”, poursuit-il. Interrogé sur le lieu de regroupement des manœuvres étrangers, il refuse de nous indiquer l’endroit. “Je ne sais pas où ils se trouvent. Pourquoi vous insistez pour les voir ?” interroge-t-il. À quelques pas, dans une petite ruelle isolée, loin du regroupement des Algériens, les Africains se sont rassemblés. “Auparavant, on restait près de la fac pour se faire recruter à côté des manœuvres algériens, mais ils ont fini par nous chasser comme si c’était un endroit réservé pour eux. Nous nous sommes déplacés du côté de la supérette. Nous avons eu droit à une douche chaque matin pour nous éloigner”, dit Clément. Alors que le manœuvre algérien touche 700 DA la tâche, le travailleur africain n’a que 300 DA pour la même tâche. 
 
“Actuellement, je n’emploie pas d’Africains mais je fais appel à eux de temps en temps. Ils sont robustes, travailleurs et n’exigent pas un salaire excessif. Je les paye 25 DA par sac transporté, ça leur fait 150 Da par jour. C’est bien !” déclare Nacer, entrepreneur à La Casbah. Djabraïl travaille en ce moment chez khalti Zineb. Il nous confie qu’après avoir été exploité, il s’est fait embaucher par une dame. “Elle s’occupe de moi comme si j’étais un membre de sa famille, elle me donne à manger et me paye même les jours de repos”, confie-t-il. Khalti Zineb nous révèle qu’elle a engagé le jeune Malien, le temps de restaurer sa maison à La Casbah. “C’est mon fils qui l’a ramené suite au départ de notre manœuvre. Il travaille bien et moi je lui donne ce qu’il mérite. Je le paye 50 DA pour chaque course, sans oublier les travaux à l’intérieur de la maison. Il arrive à gagner jusqu'à 700 DA, comme notre ex-employé”, dit-elle. Par manque de pot, Youcef n’a pas eu la même chance. Il a travaillé chez un entrepreneur qui l’a exploité durant des mois avant de le livrer à la police. “Après un bref séjour en prison, j’ai été relâché. On se sent plus dépaysé en Algérie qu’en Europe”, conclut-il. 
 
source : liberté

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Modifié en dernier lieu le 22.12.2006
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